L'attente

Mise en bouche.

La poésie est un art majeur qui nous dit le monde à sa façon.

Quelle place pour elle (et le poète) dans le paysage de nos vies. Il serait prétencieux de ma part de répondre, alors que je ne suis pas poète de formation .

Toutefois, j'ose esquisser quelques réponses, à ma portée.

Peut-être est-elle là pour nous remémorer nos " impossibles enfouis dans l'ombre de nos peurs ou nos interdits ".
Nous chanter simplement l'indiciscible frontière entre rêve et réalité.

Ouvrir les espaces des collisions de notre temporalité tripartite (passé, présent, futur) ou les mélanges suaves de nos sens si souvent séquestrés  dans une partition cloisonnée.

Est-elle là pour dire nos désirs ou en faire état et constat ?

Ne donne-t-elle pas souvent le bilan et le constat de nos sentiments amoureux ?

On comprend bien que le champ poétique est aussi vaste que notre humanitude dont elle porte toutes les subtiles déclinaisons dans  une forme soignée,  une prosodie adaptée....

Aujourd'hui je vous propose un poème de Guy Goffette tirée d'un recueil : La vie Promise.

Je n'ai sûrement pas saisi toutes les subtilités, mais ne lit-on pas une impuissance du poète face au combat titanesque entre le rêve et la réalité.

L'attente

Edward Hopper, 1926

Si tu viens pour rester, dit-elle, ne parle pas. Il suffit de la pluie et du vent sur les tuiles, il suffit du silence que les meubles entassent comme poussière depuis des siècles sans toi. Ne parle pas encore. Écoute ce qui fut lame dans ma chair : chaque pas un rire au loin, l'aboiement du cabot, la portière qui claque et ce train qui n'en finit pas de passer sur mes os. Reste sans paroles: il n'y a plus rien à dire. Laisse la pluie redevenir la pluie et le vent cette marée sous les tuiles, laisse le chien crier son nom dans la nuit, la portière claquer, s'en aller l'inconnu en ce lieu nul où je mourais. Reste si tu viens pour rester. Guy Goffette.

 


Reste si tu viens pour rester.